C’était il y a un mois jour pour jour : nous débarquions sur le territoire français, puis belge, les yeux pleins de sommeil, la tête et le cœur suspendus entre ici et là-bas.

J’ai croisé tout récemment dans notre rue un monsieur à vélo. Je le connais, mais je ne me souviens plus de son prénom. Il a de mignons petits moutons dans un terrain au bout de notre rue. J’en ai discuté avec lui il y a quelques années quand nous envisagions Nico et moi de remplacer notre tondeuse par des moutons. Depuis, le monsieur et moi, on se dit bonjour chaque fois qu’on se croise. Il y a quelques jours aussi, il a levé la main en me dépassant.

Et moi j’ai eu une prise de conscience : tout est tellement « rentré dans l’ordre » ici à Braine-l’Alleud. Ce monsieur me salue comme si jamais je n’étais partie. Il me reconnaît et il ne sait rien de notre voyage, qui moi me semble tellement loin ! Parfois, il semble même n’avoir jamais eu lieu.

Comment allons-nous, un mois après notre retour d’aventure ?

Je savoure un moment rare et précieux ce matin : je suis seule à la maison, dans le silence, assise à la table de la salle à manger avec ma tasse de thé et je prends le temps d’écrire. Je m’en réjouis depuis hier.

Un mois… Un mois, ce n’est rien. Le dernier mois de voyage est passé en un claquement de doigts. Mais ce mois-ci, le mois qui vient de s’écouler, me semble avoir duré une vie. Tout a tellement changé. Nous sommes revenus à la sédentarité et à la possession de tant et tant de choses. Nico et moi avons tous les deux commencé un nouveau travail, nos louloutes sont retournées à l’école, ont commencé leurs activités extra-scolaires. C’est un véritable tourbillon qui nous a happés. On n’a pas le temps de se poser beaucoup de questions, toujours le nez dans le guidon.

Les treize premiers jours après le retour, le rythme était encore sympa : nous ne travaillions pas. Mais nos filles nous disaient déjà qu’on leur manquait. Entre la maison à réaménager, les courses pour la rentrée, l’administratif belge à remettre en route, quelques petites réparations dans la maison et visites médicales à planifier, nous étions en effet beaucoup moins présents qu’en voyage.

Nous le sommes encore moins depuis notre retour au travail le 22 août, quand le rythme a pris un sacré coup d’accélérateur. Nous n’avons plus le temps de nous poser des questions : on est dans l’action sans arrêt, du matin au soir. Alors quand le soir, on a enfin un moment pour se poser Nico et moi, des fois, on a envie d’en profiter, et tant pis la bonne résolution d’aller dormir tôt. Du coup on accumule de la fatigue.

Je me rends compte que c’est ça qui est valorisé dans notre société, ça dont j’étais fière avant : être en action tout le temps, courir d’une activité à l’autre, du travail à la maison, de la maison au magasin, du magasin à un rendez-vous. Je pensais que c’était ça, ce rythme effréné, qui me donnait de la valeur. Toute notre société basée sur l’argent et la consommation nous le fait penser.

Je me suis rendu compte ces dernières années à quel point c’est archi faux ! C’est on ne peut plus faux. C’est un des pires mensonges qu’on nous fait gober.

Nous avons toutes et tous besoin de moments de « rien », de ralentissements, de pauses, pour respirer, d’abord, puis pour arriver à être en lien avec nous-mêmes. Pour donner à nos besoins, nos rêves et nos envies l’occasion d’émerger. Être en lien avec nous-mêmes, c’est être fidèles à notre personne, au lieu d’être fidèles au système de la société de consommation. Nos besoins, nos rêves et nos envies les plus justes, les plus profondes, ont besoin de temps et de lenteur, sinon elles restent à l’intérieur.

La bonne nouvelle, c’est que dans le tourbillon qu’est notre vie pour l’instant, Nico et moi avons réussi à introduire un petit moment de pause quotidien. Tout petit, mais tellement précieux ! C’est une bulle d’air tous les matins ; une reconnexion profonde pour commencer la journée fidèle à moi-même. Nous faisons, chacun(e) de notre côté, de 15 à 30 minutes de yoga avant le petit déjeuner. Toujours avec Adriene ; c’est tellement gai de retrouver une personnalité et une voix en plus d’une pratique. Cette femme est un cadeau.

Moi, ce moment de yoga, je ne pourrais plus m’en passer. Il change réellement ma journée. J’aimerais par contre, à terme, arriver à introduire d’autres moments de pause. Pour lire, être créative, me balader dans la nature ou travailler au (futur) potager.

Ce rythme fou que je viens de décrire ne nous concerne pas que nous. Je pense si souvent à tous les parents travailleurs que nous connaissons et je me demande comment elles et ils font, comment elles tiennent le coup ; comment ils prennent soin d’eux-mêmes. Je me demande si elles sont conscientes que ce rythme n’est pas normal.

Je finis par me dire que oui, c’est important et très chouette qu’en tant que femme on puisse faire des études et travailler, mais qu’on s’est tou(te)s leurré(e)s d’un autre côté : travailler à deux parents à temps plein ou 4/5e, c’est de la folie. Je n’ose pas imaginer la vie de parents solos qui travaillent à temps plein. Nous devons absolument ralentir, arriver à un temps de travail moindre pour tout le monde, en réduisant drastiquement notre consommation et donc la pression pour gagner de l’argent.

C’est ma vision. Mon humble avis. Je ne prétends donner de leçons à personne. Je sais, bien sûr, que certains parents combinent deux voire trois boulots pour arriver à payer leurs factures. Je sais que je simplifie beaucoup, mais c’est le constat auquel je suis arrivée pour moi, pour nous. Pour l’instant. Je ne demande qu’à en débattre avec d’autres.

Nos trois chéries vont bien, même si elles sont, comme nous, un peu bouleversées par ce retour si abrupt, par ce changement de rythme de vie. Éline et Margaux ont du mal à s’endormir, ne se sentent pas encore en paix avec tous les changements. Je mets un point d’honneur à être là pour elles, à les sécuriser, à ce qu’elles retrouvent leurs marques. Je suis persuadée que l’autonomie ne passe que par une grosse base bien moelleuse de sécurité. Tout ça fait que mes soirées, nos soirées à Nico et à moi sont bien courtes. Mais ça va évoluer, j’en suis convaincue.

Éline et Lucie sont heureuses d’avoir retrouvé leurs copines. Autre grand changement : elles vont seules à pied à l’école et reviennent seules pour la première fois, avec un groupe de copines. Elles ont toutes les deux décidé de rester à Saint-Jacques, l’école où elles étaient déjà, et elles ont toutes les deux de très chouettes instits.

Pour Margaux, c’était le grand saut dans l’inconnu, avec son entrée en première primaire à l’Esperluette, une nouvelle petite école à pédagogie active et bienveillante, à deux pas de chez nous. La première semaine de classe, elle l’a passée dehors, à sa grande joie. La deuxième semaine, c’était un peu plus difficile. Elle cherche sa place. Qui sont ses ami(e)s ? Qu’est-ce qu’on fait à la récré ? C’est tout un nouvel équilibre à trouver.

Et moi je suis secrétaire à l’Esperluette. 3,5 jours semaine pour l’instant ; 3 jours semaine dans les périodes moins chargées de l’année scolaire. Je continue en même temps mon métier de doula et de préparation affective à la naissance. Heureusement, comme je suis bien connectée à moi-même et à l’univers, je n’ai pas encore eu de demandes d’accompagnement pour l’instant. Ce serait trop pour moi et je n’arriverais pas a être bien présente pour les bébés et leurs parents. Ça viendra. Chaque chose en son temps.

J’ai déjà trois semaines de travail derrière le dos en fait ! Waouw. Je suis très heureuse de mon nouveau travail, fière de participer à un si beau projet. Je me sens très bien dans l’équipe, que j’ai hâte d’apprendre à connaître mieux. Et via elles j’apprends tellement de choses intéressantes !

Certaines personnes se demandent peut-être pourquoi partir pour un si long voyage si c’est tellement difficile de se réadapter.

S’il y a une chose que je peux affirmer avec tout mon être, c’est bien qu’à aucun moment je n’ai regretté d’être partie, même quand c’était difficile. Et je pense bien pouvoir anticiper et dire que ne le regretterai jamais.

Oui, le retour est difficile. Mais qui a dit que la difficulté est mauvaise ? « Mares en calma nunca han hecho buenos marineros », m’a appris un mexicain quand j’étais dans son pays en 2005. Les mers calmes n’ont jamais fait de bons marins. J’en suis convaincue plus que jamais. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut chercher la difficulté, non, elle est présente spontanément dans la vie. Je pense que c’est important que la ou les difficultés pressenties ne soient pas un frein à réaliser nos rêves et tout ce qui nous tient à cœur.

Le voyage me donne un recul sur ma vie, notre société, nos valeurs, sur tant de choses ; un recul qui m’aide, me semble-t-il, à faire les choix qui me correspondent. Le voyage m’a appris à dépasser certaines difficultés que j’avais. Je ne le constate que maintenant que je suis de retour dans mon contexte ancien. Je vois, je sens que je ne suis plus la même. Que je suis une meilleure version de moi-même. Une version plus affirmée et plus juste. Le voyage m’a appris à me défaire sans difficulté du surplus d’objets, de ce qui me pèse au lieu de me servir. Et il m’encourage à ne pas me ré-encombrer par des achats non réfléchis. Le voyage m’a fait voir à quel point nous sommes privilégiés. Et en même temps, à quel point notre mode de vie est absurde dans beaucoup d’aspects.

Le voyage est mon ami(e), mon professeur. Elle / il me manque. La tristesse n’est pas partie, mais c’est ok. Je suis en période de sevrage. Une partie de moi resterait bien volontiers sur les routes pour toujours et cette partie, je la chéris, comme toutes les autres.

Je sens dans mon corps un tas de tensions. Chez moi, ça se traduit surtout dans la mâchoire. Je serre les dents très fort la nuit. Tellement fort que j’ai mal le matin. Je sais que ça m’arrive dans les périodes où plein de choses bougent dans mon inconscient. C’est bon signe, même si ce n’est pas agréable. Alors j’ai pris rendez-vous chez mon super ostéopathe qui a un vrai crâne humain dans son cabinet. Je l’aime bien, ce crâne. J’aimerais lui demander quelle a été sa vie.

Pour conclure, je dirais bien merci. Merci à la Vie pour ce qu’elle met sur mon chemin comme obstacles-apprentissages et comme joies-bonheurs. Et merci à cette quantité impressionnante de belles personnes qui m’entourent !

Sur la photo en tête d’article, une phrase écrite par Éline sur notre frigo 🙂

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